Que se passe-t-il dans notre cerveau lorsque nous prenons une décision?

Des processus complexes mobilisent simultanément différentes zones de cet organe. Situé directement au-dessus des yeux, le cortex frontal, qui a connu les changements les plus récents au cours de l’évolution, assure les aspects rationnels, le contrôle. Les processus inconscients sont quant à eux plutôt du ressort des aires cérébrales plus anciennes. Le système de récompense joue aussi un rôle important dans la motivation des décisions. Avant tout traitement de l’information, pour déterminer un objectif ou juger une expérience, notre cerveau choisit l’action qui lui semble la plus appropriée, ou bénéfique.

Cela veut dire que nous prenons nos décisions de manière logique ou raisonnable?

Pas du tout! Hors des mathématiques ou de la science, nos décisions sont rarement 100 % logiques. Au quotidien, nous tranchons souvent de manière inconsciente, intuitive. Des schémas profondément ancrés dans notre système de pensée déterminent plus de la moitié de nos actions quotidiennes.

Est-ce un atout?

Oui, parce que si nous devions engager des mécanismes de contrôle conscients pour chacune de nos actions, cela nous coûterait énormément d’énergie. Tout ce qui se produit automatiquement ne nécessite aucune ressource. En outre, cet inconscient indispensable à notre survie se base sur des expériences. C’est pourquoi on pourrait qualifier notre intuition de connaissance ressentie. En effet, elle se base sur les informations déjà enregistrées dans notre cerveau, qui, à l’image d’un ordinateur, calcule en permanence notre modèle mental du monde à l’arrière-plan. Nous développons ainsi des stratégies de pensée que nous utilisons pour prendre des décisions et résoudre des problèmes. Il est donc important de bien remplir notre mémoire : apprendre et continuer à nous former le plus possible, surtout dans les domaines où nous devons prendre des décisions.

Quelles sont les stratégies qui permettent d’optimiser nos décisions?

Pour ne pas agir comme un mouton de Panurge, mais au contraire penser de manière individuelle et prendre des décisions fondées, il est essentiel d’examiner de manière critique les faits. Je conseille donc de s’imposer une certaine discipline: procéder de manière structurée, formuler des objectifs clairs et des questions concrètes, rechercher des réponses auprès de sources sérieuses, et ne pas se laisser distraire par les informations qui apparaissent fortuitement. Pour les questions complexes, il convient d’adopter une vision large plutôt que de se concentrer sur un seul fait. Il est aussi intéressant d’adopter une autre perspective, de demander conseil à des collègues, des amis ou des spécialistes.

«Une fois la décision prise, nous devons tout faire pour influencer le futur dans notre sens.»
Lutz Jäncke 

De quoi faut-il tenir compte lorsque l’on prend une décision d’investissement?

Il faut bien réaliser que l’on ne peut pas prévoir l’avenir. Il est possible d’esquisser quelques scénarios sur la base des informations dont on dispose et des expériences passées, mais une certaine dose d’incertitude persiste toujours. Lorsque l’on prend une décision relative à un placement, tenir compte de ses préférences peut avoir du sens. Investir dans une entreprise qui nous convainc en termes de modèle d’affaires et de valeurs peut nous motiver à conserver le titre même dans les périodes difficiles. Toutefois, il faut aussi analyser les chiffres et les faits, pour déterminer si l’investissement est judicieux sur le long terme. Des conseillers et conseillères à la clientèle compétents peuvent aider sur ce point.

Mais finalement, une bonne décision, c’est quoi en fait?

Si je peux me permettre, il est impossible de prendre des décisions parfaites, surtout pour les phénomènes complexes tels que le comportement humain ou l’évolution globale, car nous ne connaissons pas toutes les conditions générales. Des stratégies de réflexion ou des règles générales issues de l’expérience peuvent toutefois nous y aider. L’essentiel, c’est qu’une fois la décision prise, il faut tout faire pour influencer le futur dans notre sens. En investissant du temps, du travail, des connaissances ou de l’argent, nous guidons aussi l’évolution des choses. En bref: nous ne pouvons pas prévoir l’avenir, mais nous pouvons le façonner.

Profile

Chercheur spécialisé dans le cerveau et neuropsychologue, le professeur Lutz Jäncke étudie depuis plusieurs décennies le cerveau humain. Dans ses ouvrages et interventions, il met un point d’honneur à faire part de ses découvertes scientifiques au public de manière compréhensible, avec humour et en établissant un lien avec la pratique.