
Une deuxième chance pour les légumes et les appareils
En Suisse, près de 2,8 millions de tonne s de nourriture sont gaspillées chaque année. Cela représente quelque 330 kilos par habitant. L’exemple de Foodoo montre que ce n’est pas une fatalité. Fondée par Mirko Buri et Pierre-Yves Bernasconi, l’entreprise basée à Utzigen (BE) tranforme les fruits et légumes rejetés des circuits de distribution, non pas parce qu’ils sont mauvais, mais parce qu’ils ne répondent pas aux normes esthétiques.
L’idée de l’entreprise remonte à 2011. Les deux partenaires visionnent un documentaire sur le gaspillage alimentaire dans le monde et se demandent s’il en va de même en Suisse. Dans le Seeland, ils découvrent des champs entiers de potirons et de carottes abandonnés au motif qu’ils sont trop tordus, trop gros ou trop petits. «Nous avons demandé si nous pouvions emporter ces légumes», se souvient Pierre-Yves Bernasconi. «On voyait bien que tout le monde pensait: que veulent faire ces jeunes cinglés?»
Réapprendre à apprécier la nourriture
Les deux pionniers ne se laissent pas décourager et fondent tout d’abord une association, puis, en 2018, la société Foodoo GmbH. Aujourd’hui, ils achètent à prix juste des lots de légumes imparfaits à des exploitations agricoles et fabriquent des produits à longue conservation tels que des bouillons, des sauces tomate ou de la mayonnaise à base de patates douces. Outre cette activité de production, Foodoo vend sur des stands de déstockage des fruits et légumes de deuxième choix, et notamment des importations de moindre qualité, qui auraient sinon fini en biogaz.
Foodoo s’est fait connaître grâce à ses «opérations bouillon», où des bénévoles épluchent ensemble des légumes. «Il y a de la musique, les jeunes et les moins jeunes se rencontrent, tout le monde s’amuse», explique Pierre-Yves Bernasconi. «Et à la fin, on a fabriqué près de deux tonnes de bouillon.» De tels événements sont aussi organisés dans des écoles, en lien avec des ateliers sur le thème du gaspillage alimentaire. «Il se passe quelque chose que l’on ne peut mesurer en kilos: les enfants apprécient de plus en plus la valeur de la nourriture et, une fois rentrés chez eux, font plus attention à ne pas la jeter sans réfléchir.»
Repair Café: réparer au lieu de racheter
Même les objets cassés ont souvent encore du potentiel. C’est ce dernier qu’exploitent les Repair Cafés, désormais organisés dans de nombreuses villes suisses. Le jour prévu pour la réparation, les participant·e·s apportent leurs objets défectueux. «Des jeunes désireux de vivre dans une économie circulaire y rencontrent des personnes plus âgées qui possèdent encore des objets des années 80 et 90, avant l’ère numérique, auxquels ils tiennent beaucoup», explique Titus Sprenger, coordinateur du Repair Café de Bienne.
Des bénévoles s’efforcent de réparer les objets défectueux. Cela permet de réduire la quantité de déchets, d’économiser de l’argent et de transmettre des connaissances. «Le propriétaire de l’objet regarde comment s’effectue la réparation. Notre devise: vous aider à avancer par vous-même», déclare Titus Sprenger.
Redonner une nouvelle vie aux objets cassés
La journée de la réparation organisée en août à Bienne illustre bien comment fonctionne le système: «on aurait tout aussi bien pu la baptiser "Journée de l’aspirateur", plaisante le coordinateur. Nous avons pu réparer huit modèles.» Les quatorze bénévoles de l’équipe de Bienne ont au total pu effectuer 72 réparations très diverses: sèche-cheveux, sac à dos, masque de ski …
«Nous comblons une lacune, là où il n’existe pas d’offre», affirme Titus Sprenger. Le Repair Café a toutefois des limites. «Nous ne touchons pas aux téléphones mobiles, aux ordinateurs portables ou aux montres, pour lesquels nous conseillons d’aller dans un magasin spécialisé.» Les appareils encore sous garantie sont aussi exclus.
Le Repair Café de Bienne est une initiative de l’association FAIR!. Pour Titus Sprenger, informaticien de profession, ainsi que les autres bénévoles, l’engagement apporte aussi beaucoup: «Cela fait du bien de faire quelque chose de ses mains, d’oser, d’imaginer des solutions créatives: par exemple, réparer un appareil à l’aide d’un trombone.» Le meilleur moment? Celui où les personnes venues pour une réparation repartent avec un visage rayonnant: «Leurs regards reconnaissants, c’est du bonheur à l’état pur.»



